Valentine Verhaeghe, poème de chair.
Animatrice avec le poète Michel Collet du dispositif pluridisciplinaire Montagne Froide¹, Valentine Verhaeghe est une chorégraphe excentrique. Qu’elle danse dans la neige au milieu d’une forêt, parmi les musiciens d’une fanfare, sur les marchés, sous les pilastres d’un aqueduc ou contre les façades, loin du spectaculaire, Valentine s’insère dans le courant de la vie sur le registre du contrepoint. Virgule frétillante, exclamation, parenthèse ou suspension, de l’esquisse à la posture, elle crée cette dimension singulière et utopique où l’art prolonge le vivant.
Ailleurs présentée comme une aventurière spatiale, de technique classique mais formée aux exigences de raréfaction du butoh, Valentine Verhaeghe est aussi une universitaire, diplômée en esthétique et en sciences humaines comme l’une des nombreuses terminaisons du réseau mondialisé de Fluxus. Son travail, aux frontières des arts plastiques et en relation avec la poésie sonore s’inscrit dans le sens de l’intermédialité de Dick Higgins et la danseuse, qui collabore au-delà des océans avec poètes et plasticiens, réalise autant de performances que de créations interactives², autant d’images que de livres d’artistes³ avec la complicité de photographes ou d’auteurs. Dans Souffles, série d’improvisations en extérieur, le mouvement est à la fois essence et concept, outil et ascèse mentale. Ouvroir, il ne peut surgir qu’en relation avec un paysage afin d’en altérer la texture ou d’en modifier le climat. C’est encore ce temps qui précède le verbe et fait germer la pluralité des sens : « le mot danse ou dort ». Les pieds dans l’eau à la naissance de la rivière, revêtue d’une robe d’or taillée dans une couverture de survie, poème de chair, la chorégraphe dans Du Mont Bloom explicite ainsi la relation qui pourrait exister chez James Joyce entre le mot « soon » et le fleuve Saône.
Alix de Morant.