Mind Opener, création chorégraphique de Montagne Froide
Sur le damier de Robert Filliou
La chorégraphe de Montagne Froide, Valentine Verhaeghe, réunit des créateurs de différentes générations pour créer une « pièce aléatoire » de Robert Filliou, jamais présentée en France. Après Dijon, à voir à Besançon, les 11 et 12 mai.
Vingt ans après la disparition de son auteur, Montagne Froide réactive L’immortelle mort du monde de Robert Filliou. L’enjeu est de taille et la réponse à sa hauteur.
L’enjeu ? Démontrer qu’il est aujourd’hui possible de faire oeuvre collective et que la logique du réseau développée par le concepteur du Do it reste vivace, que son héritage a essaimé et est développé ici par chacune des personnalités accompagnant la chorégraphe Valentine Verhaeghe dans cette création. Jamais présentée en France, cette pièce de théâtre aléatoire conçue en 1960 par Robert Filliou a visuellement la forme d’un damier coloré, un plateau de jeu doté d’une règle. Ce collage dédié à Daniel Spoerri marque dans l’oeuvre de Filliou la transition vers une ouverture à l’expression plastique. Cette partition, établit comme système de base le principe de l’interaction en créant des possibilités de réponses combinées.
Dans la représentation donnée à voir en création dans le cadre du Festival Art Danse à Dijon, le système général de L’immortelle mort du monde est conservé. Dans cette partition simple et complexe, le jeu ouvert à portée philosophique est lancé par la question : « Que faisons-nous ici ? » ; interrogation à laquelle les performeurs répondent tour à tour par une déclaration commençant par : « Je suis venu ici pour … ». Neuf interprètes (danseurs, poètes, performeurs) sont en scène, la place du dixième revenant à la vidéo et au son.
En effet, c’est un système interactif qui est proposé par les artistes réunis pour Mind Opener. Ainsi la diffusion des vidéos, qui est générée par la présence et les relations des danseurs et des performeurs entre eux, est aléatoire ou prédéterminée. Cette version de la pièce usant des moyens technologiques de 2007 est fidèle à l’esprit de Filliou qui souhaitait faire de la poésie avec un ordinateur. Loin de la normalisation de certains spectacles, Mind Opener relève le défi de dépasser les définitions de la danse et de proposer l’interprétation de cette partition avec des créateurs de différentes générations, réunissant des amis de Robert Filliou comme les poètes John Giorno et Julien Blaine et de jeunes artistes, présentant ainsi sur le plateau l’image d’une humanité diverse. L’émotion vient de cette proximité avec l’esprit de Filliou dans un spectacle où la danse, en lien dynamique, établit un échange avec les autres arts. Se lit en filigrane, l’histoire d’une amitié : celle de Robert Filliou, de Daniel Spoerri – qui fut danseur – et d’Emmett Williams ; Spoerri qui lança Filliou sur l’échiquier artistique et Williams qui imaginait que l’âme de son ami Robert s’était réincarnée en un insecte, comme l’évoque Julien Blaine dans son texte narrant les derniers instants de l’artiste.
Astrid GAGNARD, Publié le 03-05-2007